Et le "juge" (?) Moro frappe à nouveau
/Antonio Palocci a été l’homme fort du premier gouvernement Lula, puis il est tombé en disgrâce après des accusations de corruption, apparemment assez crédibles. Puis, débarrassé de ces accusations, il est revenu près du (au ?) pouvoir sous Dilma, mais de nouveaux scandales l’ont à nouveau fait chuter. Il est tombé en disgrâce pour la seconde fois.
Après que le juge Moro a inauguré sa méthode de persécution, qui consiste à monter de toutes pièces le procès contre Lula basé sur la simple délation de celui-ci par des personnes corrompues qui n’ont aucune preuve pour étayer ce qu’ils disent, plusieurs accusés de corruption ont vu là un chemin pour alléger ou même annuler leur peine, en échange de délations. N’importe quelle délation, du moment où elle implique Lula, bien entendu.
Palocci est l’un d’entre eux. Accusé, ayant confessé une partie de ses crimes, et ayant été un ministre très proche de Lula, il a tout de suite vu là l’occasion de se faire pardonner, en échange de quelques accusations qui impliqueraient l’ex-président. Sauf que ses accusations étaient tellement infondées que même le Ministère Public Fédéral, celui-là même qui a monté l’accusation farfelue du “triplex” de Lula, a refusé la délation faite par Palocci : pas de faits nouveaux, des affirmations insensées et très peu crédibles. Mais, au Brésil, les institutions sont complètement contaminées par les disputes politiques, et la Police Fédérale, activement anti-Lula et, maintenant, pro-Bolsonaro, le candidat du fascisme a, elle, accepté d’écouter Palocci. Ceci s'est passé en juin, il y a donc près de quatre mois. Pendant tout ce temps, le procès était en cours, sous secret de justice.
Les accusations de Palocci contre Lula, même si elles ont été refusées par le Ministère Public et qu'il n'y a pas de preuves pour les étayer, sont, sans aucun doute, polémiques. En tout cas suffisamment pour donner du carburant aux grands médias - qui, en ce moment, s’alignent tous autour du candidat d'extrême-droite - dans cette dernière semaine de campagne pour, qui sait, freiner l'ascension fulgurante de Fernando Haddad.
C’est pour cela que le bon vieux juge Moro, celui qui n’a de juge que l'habit, frappe à nouveau. Sans être directement impliqué dans les délations faites par Palocci, sans que le procès ne soit directement sous sa tutelle, il autorise la fin du secret judiciaire pour voir si les accusations publiées en vrac et sans aucune preuve peuvent encore avoir un impact sur les électeurs. La Globo et les autres médias ont tout de suite sauté sur l’occasion, et présentent, sur un ton de scandale, des accusations vieilles et non prouvées, celles-là même que le Ministère Public avait jugé non sérieuses. Mais, dans la guerre actuelle, tout est bon. Et le juge Moro (lisez son rôle dans le coup d’Etat en cliquant ici) montre, sans plus se cacher, quel est son véritable rôle (sous les ordres de qui? de quels intérêts, nationaux ou internationaux?). D’ailleurs, sa femme a déclaré ces jours-ci en qui elle va voter. Devinez? Jair Bolsonaro.
(Mise à jour: dans un rare moment de lucidité, le tribunal de justice, qui contrôle l’action des juges, a donné 15 jours à Moro pour expliquer les raisons de son acte).
La question est alors : est-ce que l'électorat brésilien est à ce point manipulable? Désormais, les manipulations contre Lula et pour soutenir le coup d’État institutionnel sont plus claires que jamais, Moro n’est plus vu comme un juge impartial, les masses qui soutiennent Lula, et maintenant Haddad, ne sont plus dupes. Mais les classes-moyennes supérieures, cette élite très manipulée par la presse, se sert de ce mouvement pour abandonner tout scrupule et annoncer son appui au candidat fasciste.
Ciro Gomes, un aventurier politique de centre-gauche, très compétent, également ancien ministre de Lula, mais dont la caractéristique est d’adapter son discours aux aléas du moment, et qui est actuellement troisième dans les sondages, profite de cette attaque de la droite pour essayer de revenir sur Haddad, en tenant un discours selon lequel il serait le seul à pouvoir “à la fois empêcher le PT d’arriver à nouveau au pouvoir et vaincre l’extrême droite”. Sauf qu’avec 7% dans les sondages (Bolsonaro a près de 29, et Haddad 24), il risque surtout de provoquer, en attaquant et affaiblissant Haddad, ne victoire de Bolsonaro dès le premier tour.
Cette irresponsabilité politique est, d’ailleurs, récurrente au Brésil. Pour essayer de miner la candidature Haddad, les médias et les secteurs de centre-droit ont eux aussi démarré un mouvement médiatique basé sur le discours selon lequel le Brésil ne peut pas accepter “deux radicalismes”, l’un de droite, l’autre de gauche. Le risque, comme nous l’avons dit, est de jouer en faveur de la victoire du candidat fasciste. Un discours d’une grande inconséquence, qui essaye de mettre au même niveau un homme politique de la stature de Fernando Haddad, et un ancien capitaine qui préconise la torture, menace ses collègues parlementaires de viol et annonce qu’il “n’acceptera pas d’autre résultat que sa victoire”. De plus, n’importe qui ayant un minimum de bon sens sait que le gouvernement Lula, de centre-gauche a été tout sauf radical.
Pendant ce temps, près de 3 millions de personnes, des femmes surtout, ont envahi les rues samedi dernier (voir photo), dans toutes les villes du Brésil mais aussi du monde, avec le slogan "Lui, c'est non!" (#elenao), elles ne veulent pas l’ascension au pouvoir d’un néo-fasciste misogyne, raciste et homophobe. La réaction de Bolsonaro, exprimée par son fils (lui aussi candidat, au Sénat) lors d’un acte public, a été de dire: “les femmes de droite sont plus belles que celles de gauche. Elles ne montrent pas leurs seins dans les rues et ne défèquent pas dans les rues”. Non, je n’invente rien. Et il conclut: “ce sera comme Trump. Il a gagné alors que tout le monde était contre lui”.
Cette semaine sera terrible.